Dezember 2002

Dienstag, 26. Januar 2010

Introduction

Je suis laid. Je ressemble à ces grands arbres bossus, décharnés par l’hiver. Ceux qui me désirent se désolent vite ; et même les corbeaux qui volent autour de moi ont meilleure allure. Loin de mon ombre je te regarde comme la vie ; le printemps n’a pas d’autre visage que le tien, ma belle.

Je t’aurai prévenue ; écoute-ceci pour te l’entendre dire autrement : si tu veux partager avec moi ma solitude, si tu veux échanger ta richesse contre ma misère, sache que cet hiver, quelle que soit la saison, règne en maître dans mon cœur ; cette neige, c’est dans mon cœur qu’elle tombe, et les flocons en percent les parois. Ma vie ressemble à ces grands arbres dénudés, presque morts, à peine confiants dans l’espoir du printemps.

Tu es la vie

Dans la profondeur de l’hiver voici qu’un groupe s’ouvre. Tandis qu’ils parlent et que leurs paroles se distillent en vapeurs inutiles, tu apparais silencieuse dans cette foule. Je t’aime. Tu es belle. Tu respires l’élégance et la vie. Chacun se presse autour de toi dans l’espoir de mieux te connaître. Je t’ai vue autrefois, je te devine aujourd’hui : les saisons ont jeté hors de toi tout ce que l’on pouvait te reprocher.

J’ai quitté mes amis amassés, je marche au milieu de l’allée ; mille flocons tombent en bourrasque sur le monde. Je me sens tellement vivant de t’avoir vue. Que m’importent la neige et l’univers ? S’il était vraiment écrit au front du vieux décembre que je serais heureux en ce jour, qui peut vraiment prétendre à la souffrance ?

Le voyage d'hiver

J’ai réveillé mon vieux corps fatigué, ouvert la porte sur le froid, et je me suis élancé à travers les plaines gelées, pour quitter la ville que tu hantes comme ma vie misérable. Dans ma fuite, aux vents du Nord, j’ai annoncé un départ définitif, aux vents du Sud une halte prochaine. Fasse que les girouettes tournent ! Une halte me donnerait l’illusion de t’attendre.

Mais derrière les portes de la ville et de ta maison, dans une chambre où la paisible température s’impose, tu souris délicatement à la vue de mes lettres ; tu t’amuses d’un rien, comme toujours. Ris-donc, ma belle, alors qu’une larme monte dans mon œil gauche, pleine de regrets et d’amertume envers nous. Quand comprendras-tu que je souffre ?

Abandon

Mes meilleurs amis ne me reconnaissent plus dans la rue ; leurs yeux fixes, bien droit sur le chemin, m’ignorent. C’est que je commence à faire partie de cette foule d’êtres dépossédés, ceux-là qui ont perdu toute saveur, dont les visages sont devenus banals ; qui se croient libres dans leurs rêves, mais ne le sont pas même en esprit.

Ou bien sont-ce les rigueurs de l’hiver qui les incitent à ne pas mouvoir leur vue hors de leur écharpe, à ne pas tendre la main par peur de devoir retirer leur gant ? De toute façon, je n’imposerai pas mon existence à ces vieux amis, qui ont déjà trop souffert ma présence ; je ne veux plus entendre parler du passé – je me plonge avec délice dans ce fleuve dont tu as tracé le cours méandreux. Et s’il est gelé aujourd’hui, il charriera bientôt toutes les glaces de l’hiver !

Espoir de ce qui ne fut pas

Ce matin le soleil brille avec plus d’intensité, transperçant les arbres sans feuilles ; la terre tremble sous sa caresse. J’imagine que je marche à tes côtés, dans une forêt étrange. La vie est si simple : au milieu d’une clairière où sommeillent encore les oiseaux, je nous vois assis sur un tronc d’arbre mort.

Nous nous reposerons d’avoir tant marché ; la chaleur de l’effort nous fera encore sourire. Puis le froid perçant, la rosée que le matin lumineux ne parvient pas à sécher, nous forceront à nous rapprocher lentement, pour nous tenir plus chaud. Nous partagerons un long regard, je mettrai ma main autour de ta taille, et nous nous embrasserons, sous les arbres encore vivants.

Vent du Sud

Quand je poserai mes mains glacées sur tes seins, tu tressailliras comme sous l’effet d’une mauvaise nouvelle. Voici, tu ignores que j’ai marché, tant marché à travers les froideurs de la saison, agrippé mes doigts à la neige floconneuse. Cependant, petit à petit, au contact de ton corps brûlant d’angoisse, ces restes d’un autre temps fondront, s’évaporeront.

Alors, mes mains réchauffées conquerront chaque parcelle de ta beauté, ma belle, et tu tressailliras, comme sous l’effet d’une bonne nouvelle. Tandis que nos bouches, s’échangeront des baisers par crainte qu’un seul atome d’air froid ne les séparent, mes doigts pianoteront une mélodie nouvelle, mystérieuse. Et cette musique gravera ses notes sur toutes les parois de ton cœur !

Premier destin

À mesure que nous nous rapprochons l’un de l’autre, que j’essaie de parler avec toi de sujets plus pesants que l’invincible hiver, je sens que nous nous éloignons, tragiquement. Tu gardes enveloppés – certes sous la plus belle des carapaces – tous les secrets de ton âme, tu te refuses à la confidence, comment te dirai-je ce qui me tient à cœur ?

Tu ouvres péniblement cette bouche que pourtant je couvrirais de baisers, et quand je marche à tes côtés je tente de m’aligner sur ce corps que je prendrais avec fureur et désolation. Tu as beau demeurer silencieuse, tu ne saurais ôter à mes nuits l’empreinte de ton rêve, même si la neige s’acharne sur elle, ou si le vent en secoue le dessin. Ton image est désormais ma possession.